Inside Kaboul
Film d’animation de Caroline Gillet et Denis Walgenwitz. Illustrations de Kubra Khademi (30′). En Anglais, sous-titré en français, Réalisation 2023.
Diffusion
Samedi 9 mars 2024 – 15h25
Pays
Afghanistan
Les invitées
Caroline Gillet, Raha et Marwa
Le film
À l’été 2021, les talibans reviennent au pouvoir en Afghanistan et le destin de 2 jeunes femmes, Raha et Marwa, bascule. Inside Kaboul est basé sur les centaines de notes vocales qu’elles ont échangées avec la journaliste Caroline Gillet, dans les mois qui ont suivi.
Raha a fait le choix de rester à Kaboul ; elle se confronte aux violences du régime et à la crise dans laquelle sombre peu à peu le pays. Marwa est partie et se retrouve enfermée dans un camp de réfugiés à Abou Dhabi, dans lequel elle attend, semaine après semaine, d’être accueillie quelque part en Europe ou aux États-Unis.
Pour elles, les questions qui sont celles de toutes les jeunes femmes de leur âge se posent avec une acuité singulière : comment grandir et se projeter vers l’avenir quand on a 20 ans et que le monde qu’on a connu s’écroule ?
Nous en avons parlé durant le festival, pour aider les familles de Marwa et Raha dans leurs démarches et leur exil loin de Kaboul ( visas, des billets d’avion, ainsi que les besoins de la vie courante), une cagnotte est en ligne sur ce lien.
Les invitées
Caroline Gillet
Caroline Gillet produit des séries documentaires depuis une quinzaine d’années pour France Inter. Son podcast ‘Inside Kaboul’, rassemble les notes vocales envoyées par deux jeunes femmes afghanes depuis la chute de Kaboul. Depuis un an, elle réceptionne aussi les récits d’Ukrainien(nes) confrontés à la guerre pour la chronique ‘Notes vocales d’Ukraine’ diffusée dans l’émission ‘Un jour dans la monde’ de France Inter. Entre 2019 et 2021, elle racontait les révolutions des jeunesses subversives du vieux continent dans la série documentaire hebdomadaire Foule Continentale.
Elle a aussi produit en 2014, le Tea Time Club – une émission dans laquelle elle proposait déjà à des personnes partout dans le monde de discuter de sujets intimes en direct et via Skype.
Elle enseigne le reportage radio à l’Université de Louvain.
Marwa
« Quand le gouvernement s’est effondré, on a commencé à vivre
dans l’oppression et on a été abandonnées dans nos maisons. Ce
projet m’a donné une grande opportunité de m’exprimer, de devenir la voix de ma famille, de mes sœurs, des femmes comme moi, de mon peuple et je me suis dit : c’est comme ça que je peux m’engager. Il faut parler de ce qui se passe, de la perte de nos droits humains, de nos libertés. S’engager pour la paix.
J’ai senti qu’il y avait une possibilité de devenir une voix pour les autres. J’ai voulu partager mon expérience, ce que je voyais, ce que je ressentais, sous les Talibans d’abord, puis comme réfugiée, et ensuite transmettre ce que mes amis me disaient de ce qui se passait à Kaboul.
Je veux parler pour eux, je ne veux pas qu’on les oublie. La deuxième raison c’est que je me suis sentie très connectée avec Caroline. Á ce moment-là, j’avais perdu tout espoir, je ne savais pas ce qui allait m’arriver. J’avais besoin d’en parler, de partager la douleur. Ça m’a fait du bien parce que je ne pouvais pas raconter mes difficultés à ma famille, elle souffrait déjà assez. Caroline était là, elle m’écoutait, me répondait. Cela me donnait de l’espoir et de l’énergie ».
Raha
« Je me sentais effrayée et choquée après l’effondrement. Je
n’étais pas capable d’accepter ce qui nous était arrivé cette
nuit-là. Je ne parvenais pas à faire face à la situation, je
devenais folle. Je voulais crier, aller ailleurs et pleurer autant
que je le pouvais, je voulais parler à quelqu’un et lui dire à quel
point j’étais devenue impuissante.
Et là, Caroline est sortie de nulle part et m’a demandé d’enregistrer des sons dans mon portable et de lui faire part de mes sentiments et de la situation en Afghanistan. Au début, je n’enregistrais des sons que pour me sentir mieux, pour évacuer ma colère, mon anxiété et
mon épuisement. Puis j’ai senti et compris que je faisais quelque chose pour mon pays. On est responsables de notre pays, quand il s’y passe quelque chose de grave, on est responsable de faire quelque chose. J’ai perdu ma liberté et tout ce que j’avais. Maintenant mes bras sont attachés. C’est tellement dur d’être enfermée à la maison. Quand il y a eu des manifestations dans les rues, je n’ai pas pu y aller, mes sœurs sont très jeunes, je n’ai pas voulu les mettre en danger, mais sinon, j’y serais allée pour défendre mes droits. Ce projet m’a permis de faire ce que je devais faire pour mon pays. Sans doute pas de quoi aider tout le monde, mais au moins je prends la parole, je partage ma vérité, je parle de la réalité.
Je ne savais pas si cela allait fonctionner et faire des miracles, mais aujourd’hui, je constate que ce n’est qu’un début. Cette émission de radio est devenue un podcast, puis un film d’animation et, qui sait, un jour nous pourrons peut-être en faire un long métrage. Nous ferons en sorte que le monde entier sache ce qui se passe à Kaboul et en Afghanistan.